Hervé Rébillon : Vous êtes Délégué général de l’AVERE-France. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’association et ses missions ?
Clément Molizon : L’AVERE-France est une association professionnelle dont l’objectif est de développer la mobilité électrique sur tous les segments routiers, y compris les véhicules utilitaires et les poids lourds. Pour cela, nous rassemblons un écosystème de 250 adhérents composé de constructeurs, énergéticiens, acteurs de la recharge, instituts, collectivité locale… afin de trouver des solutions concrètes en faveur de l’électrification des transports. Nous sommes également porteurs d'un programme d'économie d'énergie, nommé Advenir, qui vise à financer des bornes de recharge à destination des poids lourds.
Hervé Rébillon : La tendance semble être à une baisse des immatriculations des automobiles électriques et à un rebond concernant les véhicules lourds électriques. Observez-vous bien cela au quotidien ?
Clément Molizon : Je dirais qu’il ne s’agit ni tout à fait d’une baisse d'un côté, ni tout à fait d’un rebond de l'autre. C’est un fait : les derniers mois ont été compliqués pour le secteur de l'électrique sur les segments légers. Néanmoins, cette période a été difficile pour tout le secteur automobile. La part de marché des véhicules électriques reste stable entre 2023 et 2024, avec près de 17% de véhicules enregistrés. Ce n’est évidemment pas suffisant et il faut qu’on renoue avec l'exponentiel afin d’atteindre nos différents objectifs.
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Hervé Rébillon : Qu’en est-il des véhicules hybrides ? La tendance est-elle à la baisse ?
Clément Molizon : Sur les véhicules légers, la tendance est effectivement à la baisse. L’an dernier, nous enregistrions à peu près 10 000 véhicules hybrides par mois. Depuis le début d'année, nous tournons davantage autour des 4000- 5000 unités, ce qui peut s’expliquer par certains dispositifs fiscaux en vigueur ainsi que la réintégration du malus au poids. Tout cela a eu un impact très négatif.
Hervé Rébillon : Parmi les dispositifs mis en place, les primes C2E vont-t-elle donner un coup de pouce au marché véhicule industriel électrique ?
Clément Molizon : Nous en sommes convaincus ! Ces primes ont été bien accueillies par l’ensemble de la filière. Elles vont permettre d'améliorer le TCO des différents véhicules en permettant aux différents acteurs, lorsqu'ils vont acquérir un véhicule, de pouvoir obtenir en face un montant. Ce certificat d'économie d'énergie est un dispositif extrêmement important aujourd'hui car il permet à un certain nombre d'acteurs de s'engager dans la transition énergétique et écologique. Nous avons cependant un léger regret concernant les véhicules utilitaires légers car les montants n’ont pas été bonifiés à la hauteur de ce qu'on aurait espéré. C'est dommage car, si l’offre a été beaucoup critiquée ces dernières années, elle est désormais présente ! Ce sont près d’une quarantaine de modèles qui sont déjà commercialisés et dès l'an prochain il sera possible d’avoir plus de modèles électriques que de modèles thermiques. Il y a donc une véritable dynamique qui est en cours.
Hervé Rébillon : Là où le bât blesse c’est au niveau du coût des véhicules électriques, en particulier pour les poids lourds. La location est-elle une solution pour acquérir ce type de véhicule ?
Clément Molizon : Certainement, mais nous restons assez agnostiques sur les solutions de financement et d'acquisition. Il faut évidemment regarder au cas par cas mais certainement que la location fait partie du panel de possibilités pour les différents transporteurs. Ce que l’on constate aujourd’hui, c'est qu'on a des transporteurs motivés, qui testent des véhicules et qui après le test, pour certains, vont passer à des acquisitions plus importantes. Il est également important de noter que nous avons des constructeurs qui sont extrêmement engagés dans cette course et qui vont accompagner le client dans tout ce processus.
Hervé Rébillon : Pas de mobilité électrique sans infrastructures de recharge. Est-ce que là encore la tendance est à l’augmentation pour les stations de recharge à destination des poids lourds ?
Clément Molizon : On commence à voir les premières stations de recharge électriques dédiées aux poids lourds s'implanter à divers endroits en France. J’ai d’ailleurs participé à quelques inaugurations des premières stations de certains réseaux l'an dernier. Néanmoins à court terme, la priorité reste la recharge au dépôt, voire directement chez le client. Les camions qui sont commercialisés aujourd'hui sont des camions de ville qui font de courts trajets sur la journée et auront vocation à se recharger le soir au dépôt.
Hervé Rébillon : Les relations que vous entretenez avec les pouvoirs publics sont-elles plus simple quand il s’agit de véhicules lourds que lorsqu’il s’agit d’automobiles ?
Clément Molizon : Elles sont bonnes dans les deux cas de figure. Nous avons toujours eu à cœur de nous positionner comme un interlocuteur pour les pouvoirs publics et nous tendons donc à avoir les meilleures relations possibles en fournissant une information de qualité. Nous avons la chance de représenter un écosystème, ce qui nous permet de travailler nos positions en essayant de trouver le plus petit dénominateur commun. Cela nous permet aussi de donner une certaine tendance du positionnement de la filière et de travailler étroitement avec les pouvoirs publics dans le but de faire évoluer les cadres législatifs, réglementaires et également fiscaux.